L'histoire au « petit liseré des berges » : la frontière dans la trilogie allemande de L.-F. Céline

Auteurs-es

  • Bernabé Wesley

DOI :

https://doi.org/10.18192/analyses.v10i2.1322

Résumé

La question de la frontière dans la trilogie allemande s’inscrit dans l’itinéraire de l’exil que connut Céline en Allemagne et au Danemark de la Libération à son amnistie en avril 1951. La représentation de cette expérience exiliaire s’organise autour de deux frontières, qui sont des lignes de fuite au sens propre comme au sens musical. La première, celle du Rhin, est thématisée comme le « toboggan de la compromission » que le narrateur choisit pour échapper aux fureurs vengeresses de l’épuration. La seconde est la frontière du Danemark, point d’ancrage imaginaire et narratif de la trilogie allemande, auquel le titre Nord attribue un principe d’orientation mythique : retrouver le Nord, c’est retrouver l’imaginaire nordique, celui des Celtes et de la féerie perdue. Céline ne cesse d’évoquer également les lieux d’exil qu’il n’a pas su rejoindre et les frontières qu’il n’a pas franchies. Ces « erreurs d’aiguillages », comme il les appelle lui-même, indiquent que cet itinéraire est un itinéraire de la désorientation, où les frontières entre les pays, les peuples et les langues sont brouillées. L’œuvre de Céline est un espace où les lignes de démarcation entre zones occupées et libres, entre territoires neutres ou belliqueux, s’avèrent très poreuses de même qu’entre les aliénés et les aliénistes, les héros et les salauds ou encore le réel et l’irréel. Cette désorientation du monde dit d’abord les épreuves subies par des millions d’Européens contraints par la guerre de s’exiler loin de chez eux. Elle confine en dernier lieu à une perturbation du mode conventionnel d’écriture de l’histoire qui fait de l’entre-deux que suppose la notion de frontière une poétique du zigzag entre les langues, les territoires, le présent et le passé.

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Dossier - La frontière en soi. Vivre et écrire entre les lignes