Qui lira <em>Charles Guérin</em> dans cinquante ans? Le legs d’Octave Crémazie à Gilles Marcotte et à Jean Larose

Auteurs-es

  • Martine-Emmanuelle Lapointe

DOI :

https://doi.org/10.18192/analyses.v2i3.668

Résumé

« Qui lira Charles Guérin dans cinquante ans? », demandait Octave Crémazie à son correspondant, l’abbé Henri-Raymond Casgrain. Et « qui songera à mes pauvres vers dans vingt ans? », ajoutait-il. Crémazie avait raison… On ne lit plus guère Charles Guérin aujourd’hui, et ses pauvres vers, pourtant publiés et célébrés en leur temps, ont été éclipsés par sa correspondance privée, dans laquelle on trouve sans doute les constats les plus éclairants sur la littérature canadienne-française de la fin du XIXe siècle. Constituée d’écrits intimes devenus publics, la correspondance illustre à merveille le paradoxal destin de l’œuvre : inachevée, d’une lucidité trop aiguë et par là même anachronique, elle a été reprise et commentée par plusieurs essayistes contemporains. Cet article présente une analyse des essais que Gilles Marcotte et Jean Larose ont consacrés à l’œuvre et à la figure d’Octave Crémazie. Reconnus pour leur vision intransigeante de l’institution littéraire québécoise, les deux essayistes mettent pourtant temporairement de côté leur extrême vigilance lorsqu’ils abordent l’héritage d’Octave Crémazie. Comment arrivent-ils à concilier leur refus d’une critique complaisante et consensuelle ne se basant que sur des critères locaux et leur reconnaissance d’une filiation qui s’élabore à partir de la faille et du manque, qui ne peut se fonder sur des monuments, des classiques? Et comment appréhendent-ils la tension entre la familiarité avec laquelle ils envisagent l’œuvre de Crémazie et le décentrement, nécessaire selon eux à toute expérience véritablement littéraire?

Abstract

“Who will read Charles Guérin in fifty years?”, asked Octave Crémazie to his penfriend, abbot Henri-Raymond Casgrain. And “who will muse over my poor verses in twenty years?”, did he add. Crémazie was right… We don’t read Charles Guérin nowadays, and his poor verses, even if they were celebrated in their time, have since been overshadowed by his private correspondence. Composed of intimate writings, now public knowledge, the correspondence illustrates perfectly the paradoxical destiny of Crémazie’s works: unfinished, too clear-minded for its time and therefore almost anachronistic, it has been commented and studied by numerous contemporary essayists. The present article examines the essays that Gilles Marcotte and Jean Larose devoted to the works of Octave Crémazie. Well-known for their severe vision of the Quebec literary institution, Marcotte and Larose seem to put temporarily aside their extreme vigilance when they consider Crémazie’s heritage. How do they conciliate their refusal of obliging and consensual criticism founded on local criteria and their construction of a filiation that cannot be supported by classics and monuments? How do they apprehend the tension between the familiarity with which they read Crémazie’s works and the distance, essential according to them to a real literary experience?

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Dossier - Filiations intellectuelles dans la littérature québécoise