De Rilke à Vadeboncœur
DOI :
https://doi.org/10.18192/analyses.v2i3.675Résumé
Si j’examine mon expérience littéraire et intellectuelle dans la perspective des filiations, j’y reconnais tout à fait cette « absence du maître » analysée par Michel Biron, dans la mesure où les écrivains qui ont été mes maîtres (R. Rilke, P. Handke, V. Woolf) m’ont conforté dans le sentiment de n’avoir pour seule identité que celle de l’artiste qui se crée lui-même et crée le monde à chaque instant, condamné, et heureux de l’être, à vivre dans le temps circulaire d’un « perpétuel recommencement » (Saint-Denys Garneau), à « vivre tout étonné au milieu du grand loisir » (J. Ferron). J’aurai mis des années à entendre l’avertissement de Pierre Vadeboncoeur, à savoir qu’on ne peut vivre et écrire ainsi éternellement dans le rêve, hors du désir, hors de l’histoire, sans risquer de mourir endormi, sans que la première heure devienne brutalement la dernière. Quand l’enfant prodigue (« celui qui ne voulait pas être aimé », selon Rilke) entend cette voix, il rentre à la maison.
Abstract In examining my literary and intellectual experience in terms of my filiations, I clearly recognize the “absence of masters” analyzed by Michel Biron, in the sense that the writers who have been my masters (Rilke, P. Handke, V. Woolf) have reinforced the feeling of having as my sole identity that of the artist who creates him or her self and creates the world at every moment, happily condemned to live in the circular time of “perpetual renewal” (Saint-Denys Garneau), to live “astonished in the midst of great leisure” (J. Ferron). It will have taken me years to hear Pierre Vadeboncoeur’s warning that one cannot live and write this way, eternally dreaming, outside of desire, outside of history, without running the risk of dying unaware, half-asleep — the first hour brutally becoming the last. When the prodigal child (“the one who does not want to be loved”, according to Rilke) hears this voice, he goes home.Téléchargements
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